"Je vous promets de revenir intact !" Ce sont les mots écrits par Léon Blum, griffonnés à la hâte de sa prison de Bourrassol avant sa déportation vers l'Allemagne, pour Jeanne Reichenbach, la femme qu'il aime.
"Je vous promets de revenir 1940-1945, le dernier combat de Léon Blum" : voici le titre exact de ce livre historique écrit par Dominique Missika, un livre que je n'aurais jamais lu si je n'étais pas tombée sur ces extraits de correspondance qui m'ont immédiatement touchée.
"Voilà, mon amour, c'est le onze décembre ; Apportera-t-on aujourd'hui le pauvre présent que je machine sournoisement depuis des semaines ? Je n'en sais trop rien. Mais à tout évènement, la poste restera fidèle et ponctuelle. Elle vous apporte, Janot, l'expression d'un amour qui n'a cessé de se fortifier et s'enrichir à mesure que nous vivons plus compètement et plus solitairement ensemble. Elle vous apporte le témoignage du bonheur dont le charme, la puissance, la certitude m'emplissent. Elle vous apporte un voeu, un seul, vous savez lequel...vos enfants, Janot, près de vous l'an prochain pour votre anniversaire - et même avant, n'est-ce pas ?
Je vous aime.
Léon"
"....Je viens de me précipiter à ma fenêtre en m'éveillant : la première impression du dehors est sinistre. Le rocher est à pic en face de ma fenêtre (grillée - Pourquoi ? Pour que le spleen m'empêche de me jeter dans la rivière.)
2 heures : je vous ai vue sur la route, je vous ai vue parlementer avec le factionnaire de la guérite, et vous ai vue vous engager sur le pont, mais je n'ai pas beaucoup d'espoir...."
11 heures : je n'ai pas travaillé parce que je n'en avais pas le goût, et maintenant je me sens de mauvaise humeur contre moi même.
Je n'ai aucun attachement aux objets matériels, le sens de la propriété me fait défaut, mais maintenant qu'on me les a pris, je m'aperçois que je tenais à mes livres...
Ne pas faire le chemin de l'allée en poussant votre machine, ne pas vous dire adieu à la petite porte, ne pas rester devant la grille jusqu'à ce que j'aie vu votre lumière briller et se déplacer sur la route....
le soleil se couche dans un beau ciel. La lumière est déjà crépusculaire. La nuit viendra vite. Je m'installe pour lire, ma bien aimée, comme je le fais le soir quand tu es partie...
Janot, mon amour, t'écrire m'apaise. J'aurais dû le faire plus tôt.
J'admire ta vaillance, ta fermeté, et ce calme que tu imposes à tout un tumulte intérieur qui ne m'échappe pas, ma bien-aimée. J'admire ton être, j'admire ton amour..."
J'ai été émue de la beauté et de la force de l'amour qui relie ces deux êtres, impressionnée aussi par leur courage, leur droiture et leur pugnacité.
Par ce livre, j'ai appris que Léon Blum, arrêté sur ordre de Pétain, traîné de prison en prison, haï et calomnié, s'est battu jusqu'au bout pour la sociale-démocratie, "cette troisième force qui se placerait entre le capitalisme américain et le communisme totalitaire" et que Jeanne Reichenbach, divorcée d'Henry Torres, puis mariée à Henri Reichenbach, femme libre, indépendante, généreuse, n'aura eu de cesse de soutenir cet homme dont elle est amoureuse depuis si longtemps avec la même détermination qu'elle mettra pour terminer sa vie !
Le livre de Dominique Messika aurait pu être sec et froid. Il n'en ai rien ! Il fourmille de détails dont on ne se lasse pas. Il se lit comme un roman d'aventure, nous fait revivre un grand moment de l'histoire et nous raconte une histoire d'amour qui transcende le temps !
