On aurait dit un roman américain ; où coule le Mississippi, où le village entier se rend à l'église plein de bonnes intentions qu'ils malmènent dès qu'ils en sortent, où les héros déchus rentrent du Vietnam. On aurait dit un écrivain du Missouri, qui raconte quelques souvenirs, des moments observés il y a quelques années. On aurait dit un écrivain chevronné, qui n'en serait pas à son coup d'essai.
Rien de tout ça ! Lionel Salaün est français, certes nourri depuis longtemps au blues et aux voyages, et il signe avec Le retour de Jim Lamar, publié chez Liana Levi, un premier roman parfaitement maitrisé, ample et entêtant.
La guerre du Vietnam s'achève, et Jim Lamar n'y est pas mort. Ses parents l'attendent, quelques jours, quelques semaines, puis quelques mois. Et puis ne l'attendent plus. D'ailleurs plus personne au village ne l'attend plus. Pas plus ses parents, que les voisins, que le narrateur, à l'époque âgé de quelques années.
Il se souvient. De l'ambiance générale, pesante, dans son bled du Missouri. Il se souvient de ses parents, des regards obliques que chacun propose à l'autre. Et surtout il se souvient, de ce moment où celui que l'on attendait plus revient au village, discrètement, sans rien dire à personne. Il se souvient de cet été de ses treize ans, où il fut le seul interlocuteur de Jim, de cet été où il a découvert qu'un homme courageux n'est pas forcément un homme qui ne pleure pas. Il se souvient de cet homme, géant pas tout à fait revenu de l'enfer.
Il revoit le fleuve, toujours le fleuve, ce Mississippi qui donne son flux au roman. Des moments partagés avec Jim à regarder s'écouler l'eau et le temps, l'eau et les souvenirs.
J'ai particulièrement aimé ce livre, surprenant, entêtant. J'ai été surprise d'apprendre qu'il s'agissait d'un premier roman, tant le rythme semble maîtrisé, tant l'écriture est tranchante et tombe toujours juste.
Je vous conseille vivement la lecture de ce livre, qui vous emportera loin, très loin, au bord d'un fleuve mythique, au rythme des vers que lit Jim.
